Fabrice Charleux, gérant du site web plongeur.com spécialisé dans la plongé sous-marine, habite à Tahiti. Il était sur l’île au passage du cyclone Oli qui a durement touché la Polynésie française. Il nous raconte comment les Tahitiens se sont préparés à l’arrivée du cyclone, et dresse un bilan des dégâts sur place. Plusieurs milliers de personnes évacuées, bords de mer ravagés : un récit impressionnant.
Expatriation.com – Tout d’abord où êtes-vous installés précisément ?
Fabrice Charleux – Nous habitons au nord de l’île de Tahiti, dans la commune de Mahina dans les hauteurs.
Quand avez-vous été prévenus qu’il allait y avoir un cyclone et que vous a-t-on dit ?
FC – En fait, cela faisait une semaine (le 27 janvier) que nous avions des signes précurseurs de gros mauvais temps. La dépression tropicale Nisha avait déjà mis sur le qui-vive les autorités, et commencé à alerter la population sur le risque potentiel de passage au stade de cyclone, et une trajectoire potentielle sur les îles de Polynésie française.
Nisha s’est affaiblit puis dissipée, pour laisser place à une nouvelle dépression tropicale Oli. Il n’y a eu aucun temps mort. Cellule de crise au haut-commissariat, bulletins permanents : la dépression Oli s’annonçait plus grosse. Il y a eu un petit mouvement de panique au sein de la population qui n’a pas vécu de cyclone depuis une décennie. Les magasins d’alimentation et outillages ont été pris d’assaut tandis que la dépression était à environ 800km de Tahiti. Le 1er février la Polynésie passait en alerte Orange (la phase « préparez-vous bien, on ne sait jamais… »)
Bulletins radio, télé, emails, même le site web de météo france local ne répondait plus à la demande tant il était surchargé. Le 2, Oli s’intensifiait et approchait des îles de la Société. Messages inlassables dans les médias et de la part des cellules de crise : protégez-vous, prévoyez des provisions, des piles (coupures éléctriques à prévoir), de l’eau, etc. Pour les habitations, consolider les toitures, les fenêtres, nettoyer les jardins de tout ce qui pourrait se transformer en projectile…
Le 3, Oli devenait un « cyclone » et à 18h Tahiti passait en alerte Rouge imposant la fermeture des magasins, et le retour chez soi. A 21h interdiction de circuler, gendarmes en renfort sur les routes.
Toute la population était aux aguets.
Qu’avez-vous fait pour vous protéger ?
FC – Nous avons tout rentré dans la maison, vidé le garage, même la moto était dans le salon !
Toute la maison était hermétiquement fermée, j’avais des cordes prêtes en cas d’urgence pour attacher je ne sais quoi…Tout était rechargé : accus des lampes, lampes à pétrole pleines.
Nous avons débranché la plupart des appareils électriques, pour éviter tout endommagement lors de coupures. Et enfin, nous avons réfugié les enfants avec nous, dans notre chambre, pièce que nous jugions la plus sûre de la maison en raison de son exposition au vent.
Quels ont été les dégâts chez vous, près de chez vous et sur l’île en général ?
F-C Le flanc de montagne où nous sommes a été relativement épargné. Des arbres et branches jonchent bien sûr la route, mais pas de gros dégâts apparents. Sur la plaine côtière, c’est différent, la mer s’est transformée en furie, un bouillon déchainé gonflé à bloc, qui cherche à empiéter sur la terre.
Si la côte Ouest de Tahiti a été plus touchée par le vent (commune de Paea), l’ensemble de l’île subit la violence de la mer, dont les creux atteignent 6 ou 7 mètres. Les bords de mer sont ravagés, et touchent routes et habitations. Les très fortes pluies, combinées à une mer gonflée occasionnent des crues importantes de tous les cours d’eau. Quelques milliers de personnes qui habitent dans les vallées ont été évacuées par mesure de précaution. L’île est assez soulagée, les dégâts ne sont pas aussi importants d’un point de vue « humain ».
Quelle est la situation actuellement, les choses sont-elles rentrées dans l’ordre ?
F-C En 12 heures, le temps s’est métamorphosé : plus de rafales, pluies éparses, temps moins lourd…
La mer s’est tellement dégonflée que vendredi dernier les jeunes tahitiens étaient déjà en train de surfer les vagues… encore grosses sur une mer chargée de terre, mais avec une houle qui ressemble à une houle…
Le gens sont tous soulagés, la sensation d’avoir échappé au pire. Et je me souviens encore des cyclones à répétition de 1983,je crois vraiment qu’on est passé à côté du pire. Un très bon rappel de dame nature face à une population qui a oublié ce qu’est un cyclone… jusqu’à la prochaine fois.
Fabrice Charleux est gérant du site internet plongeur.com